samedi 7 janvier 2017

MODE ETE

PORTER SA ROBE QUAND IL FAIT CHAUD

Petites expériences pratiques du port de la robe à trois garnements



Mmm... Il fait chaud, mais je dois sortir... Et je n'ai que de la laine. Que faire ?

Le fait que les couches externes du costume médiéval soient constituées de laine génère souvent une réaction d'effroi. Cela doit être importable en été !
Plusieurs expériences ont été faites, par grandes chaleurs, avec des ensembles complets.


Evidemment, les laines choisies étaient fines. Idéales pour l'été. Certaines étaient doublées de soie.
Il s'agit de laines non foulées, de type worsted. Sergés losangés pour la plupart.

Une première précaution est à prendre : revêtir la tenue tôt le matin ou dans un endroit frais, quand le corps n'est pas à haute température. La laine est un isolant, et grâce à cela, le corps restera au frais.


Les expériences ont été réalisées en Italie, en France et en Angleterre, sur différents sites, généralement médiévaux.


Ne porter que la cotte est une solution. Mais, on ne sort pas "en corps". Il faut savoir rester correcte.

Aout 2015
Abbaye de San Galgano (Toscane), extérieur. Après midi. Ruines médiévales, vallée. Température : 38°. Léger vent. Tenue : Chemise de lin, cotte seule ou avec surcot en laine. Surcot doublé de satin. Voile en lin et voile en soie. Barbette. Gants.
Cotte, surcot doublé de satin, voile de soie. Ensemble très léger.


Massa Marittima (Toscane). Extérieur et intérieur. Fin d'après midi. Ville médiévale en altitude. Cathédrale. Température : 36°, léger vent. Tenue : Chemise de lin, cotte et surcot en laine. Surcot doublé de satin. Voile en soie. Barbette. Gants.

Devant la cathédrale de Massa Marittima (la fontaine, bien plus fraiche, n'est pas accessible. Dommage, on a raté un beau décor...)


Cecina (Toscane). Extérieur et intérieur. Début de soirée. Station balnéaire moderne. Béton. Température : 38°, très léger vent. Chemise de lin, cotte et surcot en laine. Surcot doublé de satin. Voile en soie. Barbette.

La tenue est très agréable à porter, en contexte médiéval. Un peu chaud sur les avants-bras (mode 13e oblige, la cotte est serrée à cet endroit). La chaleur est surtout au niveau des jambes (sous-vêtements modernes). Que ce soit à S. Galgano ou à Massa Marittima, le costume était totalement adapté.

Seul élément un peu gênant : la barbette. Proche du corps. Elle prend toute la transpiration.

Une vue rafraichissante de Cecina... Costume médiéval déconseillé.

En revanche, les choses ont changé du tout au tout à Cecina. La ville est bétonnée. La circulation des voitures est importante. La tenue est devenue insupportable. En intérieur (appartement moderne), c'était encore pire. Et ce quels que soient les vêtements (médiévaux, actuels, naturels, synthétiques. Seul le maillot de bain est supportable. Vive la plage !). Ceci amène à se poser des questions sur les matériaux de construction modernes, invivables par grande chaleur sans climatisation ou au moins un ventilateur...


Ceri (Latium), extérieur et intérieur. Fin d'après midi. Village médiéval en hauteur (route d'accès bétonnée). Température : 34°. Peu ou pas de vent. Chemise de lin, cotte et surcot en laine. Surcot doublé de satin. Voile en lin. Barbette. Gants. 

En terre étrusque... (Ce qui explique les boucles d'oreille que l'on pouvait encore porter en Italie à cette date. Même si c'est limite...)


Rien de spécial à signaler. Aussi agréable dedans que dehors.


2. Juin 2016
Château de Malbrouck (Lorraine). Extérieur et intérieur. Après-midi. Château médiéval restauré.
Température en fin d'après-midi : 34°. léger vent. Chemise de lin, chausses de laine, cotte, surcot et manteau en laine. Surcot doublé de soie légère. Manteau doublé de samit. Voiles en lin et en soie, barbette, bandeau. Gants.
Trois moyens de porter le costume. En jouant avec les garnements. La tenue qui montre le plus le statut est la dernière, avec cotte, surcot et manteau dans la même laine.


Visite de tout le château en costume. Escaliers, chemin de ronde, salles diverses. Le costume en lui même ne tient pas chaud. En revanche, toujours un peu de chaleur au niveau des avants-bras. La barbette et le bandeau sont les seules parties où la transpiration est notable, ce qui devient désagréable au bout de 2 heures. Néanmoins, au moment du déshabillage, la transpiration de tout le corps se ressentait au niveau de la chemise, sans que cela ait gêné auparavant.
La robe XIIIe complète, avec ses trois garnements dans le même tissu. La cotte et le surcot font chacun plus de 6m d'ampleur. La soie très fine qui double le surcot pourrait correspondre au cendal, type de soie que l'on retrouve fréquemment dans les livres de compte pour les doublures. Et qui est un cauchemar à travailler !


3. Juillet 2016
Leeds (Yorkshire). Extérieur (un peu) et intérieur + transport en commun (le bus en costume méd, un poème)... Bâtiments universitaires 19e siècle. Par endroit très peuplés. Costume porté toute la journée. Température : 16°. Certaines salles étaient climatisées. Chemise de lin, chausses de laine, cotte, surcot et manteau en laine. Surcot doublé de soie légère. Manteau doublé de samit. Voile en lin, barbette, bandeau. Gants.

Encore une fois, les seules parties du costume qui se révèlent inconfortables au bout de quelques heures sont la barbette et le bandeau, soit les lins en contact direct avec le corps. Toujours les mêmes effets : transpiration accrue sur le front, l'ovale du visage et sous le menton (alors que le reste du corps ne transpire pratiquement pas). 
Handicap : sac informatique porté en bandoulière. On voit que l'un des éléments ne colle pas... C'est en fait très gênant avec le manteau. (Etonnant !)
La tenue est agréable aussi quand il ne fait pas trop chaud.


Version automnale, cathédrale de Reims.

Le costume complet a ensuite été porté plusieurs fois, en été ou en automne. La différence principale, niveau confort, se situe toujours au même niveau : le tour du visage. 

Conclusions
* Porter ces types de laine en été est finalement possible. Les doublures de soie, très fine pour le surcot, épaisse pour le manteau, n'amènent pas un réel surplus de chaleur.  
* L'ampleur des vêtements permet à l'air de circuler.
* Ceci est une tenue pour personnes d'un certain statut. Donc, il n'est pas question de porter ceci lorsqu'on travaille. En outre, si on peut déambuler en ville avec, il est préférable de ne pas rester trop longtemps en plein soleil par fortes chaleurs. Mais ceci est valable aussi en tenue actuelle. Bien sûr, on risque moins le coup de soleil avec le costume médiéval !  


Le bandeau et la barbette, portés dans des conditions supportables... On note aussi le problème posé par le poids du manteau sur le fermail du surcot... A travailler !

* Ce qui pose problème, ce n'est pas la laine, c'est le lin de la barbette et du bandeau sous le voile, que ce dernier soit de lin ou de soie. Il y a un inconfort flagrant, lié à la transpiration. Ceci nécessite des lavages réguliers, par mesure d'hygiène (à vrai dire, il faudrait le laver le soir même).

La nécessité de ces lavages, et la méthode de lavage (eau bouillante), peuvent expliquer pourquoi ces accessoires en contact direct avec la peau (ce qui n'est pas le cas des voiles et crêpines) sont systématiquement représentés en blanc (lin, très certainement). Les seules couleurs vues sur ce type d'accessoires étant, sinon, de couleur or. Nous n'aborderons pas les cas précisément (les personnages étant "à risque" -donatrices depuis longtemps décédées), nous nous contenterons de signaler que l'or peut être bouilli. Le même traitement appliqué à des fils teints risque, en revanche, d'avoir de fâcheuses conséquences. Mais... la sueur aurait déjà eu quelques effets sur une telle décoration, avant même le premier lavage, sur la peau ! 

* Si porter l'ensemble de laine n'apparaît pas comme désagréable quand on l'a sur soi... Quand on l'enlève, on apprécie, quand même ! 

L'ombre, c'est le Bien !


Photos : Patricia Fogli-Iseppe, Emilie Brustolin, Catherine Lagier/GMA






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